La recherche se penche sur les origines du harcèlement

La libération de la parole a permis de mettre en lumière les souffrances durables liées au harcèlement. Cependant, les dispositifs et autres campagnes de communication peinent à enrayer un phénomène enraciné et complexe. Retour sur ce qu’en dit la recherche scientifique.

La recherche se penche sur les origines du harcèlement

Voilà une décennie que le harcèlement et autres violences dans le cadre scolaire, en personne ou en ligne, ont été mis sur le devant de la scène. C’est le sujet de la thèse de Margot Déage, sociologue à l’université Jean-Jaurès de Toulouse, publiée sous le titre À l’école des mauvaises réputations (PUF, 2023). La sociologue s’est plongée dans les relations entre collégiens au fil d’une enquête de terrain dans quatre établissements de Paris et d’Ile-de-France.

Un rapport du Sénat publié en 2021 évoquait que si les passages à l’acte sont rares, entre 800 000 et 1 million d’enfants seraient en France victimes chaque année de harcèlement scolaire.

On ne compte plus les articles, sujets, livres, vidéos ou podcasts sur le sujet, et c’est tant mieux. Cependant, quid des origines du comportement harceleur ? La recherche menée par le professeur Anthony A. Volk, de Brock University, au Canada, mettent la lumière sur la genèse de ce phénomène. Anthony A. Volk travaille sur divers sujets liés les uns aux autres comme le harcèlement, la parentalité, la personnalité, la psychopathie et l’évolution de l’enfance

Le harcèlement serait une adaptation évolutive

Dans une étude publiée en septembre 2022 dans Educational Psychology Review, Anthony A. Volk, Andrew V. Dane et Elizabeth Al-Jbouri se sont penchés sur les origines, l’émergence du comportement harceleur.

“Le harcèlement est un comportement sérieux qui a un impact sur la vie de dizaines de millions d’adolescents à travers le monde chaque année. L’ubiquité du harcèlement, et sa résistance têtue aux tentatives d’intervention nous a conduit à proposer l’hypothèse qu’il serait une adaptation évolutive.” Les chercheurs ont donc passé en revue la prolifique littérature scientifique sur le sujet.

Résultat ? L’étude des données accumulées va dans le sens d’une forte et constante validation de l’hypothèse voulant que le harcèlement adolescent fait partie d’une stratégie d’adaptation évolutive, supposée apporter un avantage d’accès aux resources identifiés par les chercheurs comme les “5 R” : Réputation, Resources, deteRrence (en français dissuasion) Recréation, et Reproduction. 

Les scientifiques soulignent que selon eux, le harcèlement est une adaptation facultative dont les résultats bruts sont conditionnels, et sujets à une analyse coût-bénéfice pour le harceleur, et qu’un travail interdisciplinaire est susceptible de d’identifier de meilleurs solutions pour améliorer la prévention.

Le harcèlement plus probable selon la personnalité et la relation à la mère

En 2017, Anthony A. Volk et son équipe démontraient déjà dans Personality and Individual Differences que la relation entre la mère et l’enfant avait un impact sur sa probabilité de devenir harceleur ; un impact plus ou moins important selon la personnalité de l’enfant, mesurée dans cette étude selon la méthode HEXACO. 

Les résultats démontrent que le harcèlement serait une adaptation évolutive pour les adolescents ayant une personnalité moins marquée par l’Honnêteté et l’Humilité (cf. le cadre HEXACO) et dont les mères ont moins connaissances de leurs activités”, expliquent les chercheurs.

 

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